Le verrou de Bercy…toujours en question!

fraude fiscale

L’article 228 du livre des procédure fiscales (LPF) dans sa version antérieure à la fin du verrou de Bercy indiquait que sous peine d’irrecevabilité, les plaintes tendant à l’application de sanctions pénales en matière d’impôts directs, de taxe sur la valeur ajoutée et autres taxes sur le chiffre d’affaires, de droits d’enregistrement, de taxe de publicité foncière et de droits de timbre sont déposées par l’administration sur avis conforme de la commission des infractions fiscales.

La commission examinait les affaires qui lui étaient soumises par le ministre chargé du budget.

Autrement dit l’auteur d’une infraction fiscale ne pouvait être poursuivi que sur plainte de l’administration fiscale.

Les infractions fiscales constituaient les seuls délits dont la poursuite échappait donc au procureur de la république.

Cependant depuis la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, il a été mis fin à ce monopole en obligeant l’administration fiscale à dénoncer au procureur de la République les faits de fraude fiscale les plus graves dont elle a connaissance.

Selon la nouvelle version de l’article L.228 du LPF, l’administration fiscale doit dénoncer au procureur de la République les faits qu’elle a examinés dans le cadre de son pouvoir de contrôle qui ont conduit à l’application, sur des droits (impôt) dont le montant est supérieur à 100 000 € :

Il est à noter que l’application des majorations s’apprécie au stade de la mise en recouvrement. Toutefois, lorsqu’une transaction est conclue entre les services fiscaux et le contribuable avant la mise en recouvrement, l’application des majorations doit s’apprécier au stade des dernières conséquences financières dont le contribuable a été informé et donc antérieurement à la transaction.

Autrement dit, lorsque l’administration dénonce des faits, l’action publique est exercée sans plainte préalable de l’administration. puisqu’il y a une transmission automatique au procureur de la République.

En revanche, les faits autres que ceux mentionnés ci-dessus (montant inférieur à 100.000 € etc..) ne peuvent donner lieu à engagement de poursuites pour fraude fiscale que sur plainte préalable de l’administration fiscale, et ce, après avis conforme de la commission des infractions fiscales à l’identique de ce qui se faisait avant la nouvelle version de l’article L.228 du LPF.

Le Conseil Constitutionnel n’avait pas eu l’occasion de se prononcer sur ces dispositions. Il va pouvoir le faire dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir contre une circulaire du 7 mars 2019 qui a commenté les nouvelles règles. En effet, le recours de l’Association française des entreprises privées, devant le Conseil d’Etat témoigne de l’inquiétude du monde de l’économie.

Le Conseil d’Etat (1er juillet 2019, n° 429742) a transmis une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

« Selon le conseil d’Etat les dispositions de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales, dans leur rédaction issue de la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, sont applicables au litige par lequel l’association requérante demande l’annulation pour excès de pouvoir de la circulaire du 7 mars 2019 du ministre de l’action et des comptes publics et de la garde des sceaux, ministre de la justice, relative à la réforme de la procédure de poursuite pénale de la fraude fiscale et au renforcement de la coopération entre l’administration fiscale et la justice en matière de lutte contre la fraude fiscale, qui a pour objet d’en éclairer la portée. Ces dispositions n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu’elles porteraient atteinte au principe d’égalité devant la loi, énoncé à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, soulève une question qui peut être regardée comme présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée. »

Il reste à attendre la décision du Conseil constitutionnel.

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